[justify:10jd5vg3]Avant même de voir Haven et ses murs, Saskia avait su qu'ils étaient proches de la capitale. Parce qu'elle sentait cette chaleur dans son coeur, ce lien qui la reliait à Arthon, revenir. Il avait toujours été là, mais la distance l'avait rendu, au début, un peu douloureux ; à présent que l'un et l'autre se rapprochaient, la jeune femme était partagée entre le bonheur, et le désespoir de ne pas avoir ressenti ce manque. Comment avait-elle pu vivre sans ?
sa main avait caressé son ventre arrondi. Elle montait Guerren en amazone, incapable de faire autrement - et surtout, le guérisseur le lui avait interdit. Ce même guérisseur avait lutté, des jours et des jours, pour qu'elle cesse de monter son Compagnon, même, et qu'elle s'installe plus confortablement dans une calèche. Mais pour Saskia, c'était hors de question : elle rentrerait à Haven à dos de Compagnon. Et tant pis pour son dos qui la faisait atrocement souffrir. Personne ne lui disait rien, car après tout, n'était-elle pas celle qui portait l'enfant d'Arthon ?
Cette pensée l'avait faite grimacer plus d'une fois. Mais à présent, et bien, Saskia était heureuse de rentrer. L'idée de retrouver un lit confortable, de retrouver la civilisation et tous ses avantages... C'était extraordinaire. D'être proche d'Arthon, c'était la cerise sur le gâteau... Parlant de cerises... Elle en mangerait bien, là...
L'arrivée se fit sans encombre, jusqu'à la capitale. Arthon... Fit le tour de toute l'équipe, gardant le meilleur pour la fin - Saskia voyait les choses comme ça, en tout cas, histoire de ne pas péter un scandale en public. Guerren s'était agenouillé, pour que sa cavalière puisse descendre sans se tordre une cheville, et la future maman lui en fut reconnaissante. En attendant que son futur époux ne se décide à venir la rejoindre, Saskia caressa tendrement la crinière de son Compagnon, lui demandant comme tous les jours :
- Tu ne m'en veux pas, si je ne suis pas celle qui s'occupe de toi ?
Et Guerren lui répondait, inlassablement :
* Jamais je ne t'en voudrai. Surtout dans ton état. *
Et Saskia s'était retournée, le coeur battant, alors qu'Arthon approchait, et qu'elle l'attendait, un sourire fatigué sur les lèvres. Oh, elle n'était pas forcément la femme la plus belle de cette folle équipée, avec des vêtements trop petits, trop grands, trop pas adaptés à sa taille, en fait. Pourtant, pour une fois, elle se fichait pas mal de ressembler à un épouvantail après une tempête. Arthon eut un moment d'arrêt, face à elle, surpris. Ah oui, forcément... Il avait quitté une toute jeune fille remplie de doutes, de questions, de peurs et d'espoir, il se retrouvait face à... Un énorme ventre. Saskia aurait presque voulu s'enfuir (en courant comme un escargot) en pleurant. Mais non, enfin, cette étreinte dont elle avait rêvée, des jours et des jours durant, elle l'avait enfin. Oh, quelques larmes s'enfuirent lamentablement pour venir mouiller l'uniforme de l'héritier. Quand il se séparèrent, Adrian, peut-être inquiet de perdre sa maman d'adoption, vint lui saisir une main, que Saskia serra par habitude, alors qu'elle continuait à dévorer Arthon du regard. Son sourire trahissait sa fatigue, sa lassitude, son inquiétude.
Et ils partirent. C'était comme un rêve. Pour la première fois depuis longtemps, Saskia se sentait terriblement bien. Ils arrivèrent rapidement jusqu'à la maison de guérison, où elle put s'asseoir sur un lit - un vrai, avec un matelas d'une qualité pas tip top, mais au confort dont Saskia avait rêvé durant des mois. Adrian était toujours là, et pas une fois, elle n'avait lâché sa petite main. Assise ainsi, son ventre l'encombrait, et après avoir essayé de trouver une position confortable en vain, la jeune fille finit par s'allonger. Son dos, s'il l'avait pu, aurait soupiré de plaisir.
- Tu m'as beaucoup manqué aussi. Cette mission était passionnante, on a appris des tas de choses. La première chose que j'ai apprise, c'est que je ne suis pas sure de vouloir à nouveau quitter la civilisation et son confort.
Essai d'humour. A fréquenter Isabeau, elle s'était améliorée à ce propos. Elle sourit.
- Nous avons trouvé Adrian dans un endroit... Vraiment pas joli à voir.
Sa main se resserra sur la main du petit modifié, et au froncement de nez de Saskia, nul doute que le simple souvenir de cette clairière était pénible. D'ailleurs, elle eut une montée de nausée, mais elle ne vomit pas. Elle s'éventa un peu de la main, avant de la posée sur son ventre. Sa tête vint chercher un appui contre son amant, et elle ferma les yeux. Oui, elle était bien, là. Il ne manquait que Antéa... Avant de se laisser submerger par la tristesse, Saskia se concentra sur les mouvements du bébé. Ca faisait quoi... Huit mois, un peu plus ? Elle accoucherait bientôt, enfin ! Elle avait hâte de tenir ce petit bout d'homme contre elle. Saskia sourit.
- Tu sais, au début, je croyais juste que c'était le mal du pays, ou la peur de l'inconnu qui me rendait malade. C'est... C'est Aanor elle même qui m'a dit que j'étais enceinte. Et d'un seul coup... Tout a semblé aller très vite. Je t'assure, tu es content de ne pas avoir été là. Je passais mon temps à régurgiter tout ce que j'avalais, j'étais de mauvaise humeur un instant, joyeuse tout de suite après, et à nouveau de mauvais poil. C'était gênant pour moi comme pour les autres... Mais maintenant, ça va. Je me sens bien. Tu m'as manqué, Arthon.
Elle pressa sa tête un peu plus contre lui, à la recherche de sa chaleur. Mais elle se redressa légèrement, dans une grimace de douleur et d'inconfort, pour regarder son amant dans les yeux :
- C'est un garçon. Je l'ai vu. Et je sais que lui et Adrian seront d'excellents amis.
Elle prononça ces derniers mots avec un sourire pour le petit Modifié, qui vint chercher un bref câlin. Son regard sérieux revint vers le Héraut :
- Et les nouvelles ici ? Que s'est-il passé à Haven ? Arthon... Il ne faut surtout pas que mon père puisse savoir que je suis enceinte.
Et cette simple pensée fit fondre Saskia en larmes. Merci, les hormones.[/justify:10jd5vg3]