"Je peine déjà à organiser mes journées pour y inclure tout ce que je veux faire, je ne sais pas comment tu fais..."
Beltran rebondit sur sa remarque sur son intégrité physique, et elle se retrouva prise au piège. Franchement, qu'est-ce qu'elle pouvait bien répondre sans tomber dans le mièvre ou le vulgaire? Encore que dans le cas de ce dernier qualificatif, ce serait peu probable tant elle manquait d'expérience en la matière. Et dans le premier, ce serait clairement ridicule de l'entendre dire que pour le moment, elle préférait ses lèvres. Ce soir, elle se montrait sentimentale, elle n'allait pas non plus devenir nunuche.
Du coup, Irmingarde leva les yeux au plafond et répondit:
"Ne m'oblige pas à choisir... Je ne dis pas que je ne t'aimerai pas avec un bout en moins, mais tout de même!"
Oui, Mina avait clairement employé le verbe aimer en parlant du Capitaine, et même si c'était en négatif, elle l'avait fait, sans s'en rendre compte d'ailleurs.
Puis il lui offrit son scandaleux cadeau. Elle s'empêcha in extremis de lui demander d'arrêter de lui en faire. Parce qu'à chaque fois, elle ne savait pas où se mettre. Et il ne se rendait pas compte de sa générosité, elle le savait bien, et ça le rendait d'autant plus attachant, mais ses moyens, son rang, étaient tellement éloignés des siens - qui se résumaient à la couleur de son uniforme - qu'il n'avait pas conscience de la valeur de tout ce qu'il lui offrait.
De l'argent, Mina n'en avait jamais eu. Chez son père, bien entendu, les revenus du patriarche ne lui appartenait pas, et la seule somme qu'elle avait possédée était le petit pécule que lui avait laissé sa famille d'origine, dans lequel son père avait du piocher. Mais cet argent lui avait servi à mettre de la distance entre les Holds et elle, tout juste. A Haven, elle n'avait eu que sa solde de chef des Pages, puis à présent les émoluments d'élève Héraut. Bien sûr, la jeune femme s'en fichait, elle ne menait pas vraiment un grand train de vie, au contraire. Mais dans ces moments-là, ceux où Beltran lui offrait le plus naturellement du monde quelque chose qu'elle ne pourrait jamais se payer sans économiser pendant des mois, elle regrettait de ne pouvoir lui rendre la pareille.
Cela dit, comment refuser? Il le prendrait pour une offense, alors, Irmingarde devait se résoudre à accepter d'être outrageusement gâtée, et il y avait tout de même pire comme problème dans une vie, même pour une abominable coincée dans son genre.
Beltran le comprit bien, alors qu'elle tentait de plaisanter. Il lui parla des qualités et défauts qu'on lui attribuait, et Irmingarde ne put s'empêcher de renchérir:
"Tu es un peu des deux, c'est sûr, sinon, toi et moi n'en serions pas là. Mais tu es beaucoup plus que ça..."
C'est là que les choses commencèrent à déraper. Mina savait bien, pourtant, qu'à jouer avec le feu on se brûle, même si elle renvoyait cette expression à Beltran avec insolence. Il était beaucoup plus bouillant qu'elle. Lui, il avait de l'expérience, il se contenait depuis longtemps, mettait son désir en sourdine alors qu'il savait très bien quel plaisir il se refusait, par respect pour elle. Elle était plus dangereuse que lui, à cause de son don, mais la force de son désir à lui dépassait de loin le sien, pour le moment.
Si, en sachant tout ça, elle se permettait cette promiscuité plutôt parlante, il fallait bien qu'elle se dise qu'inconsciemment, elle était prête à avancer encore plus qu'elle ne le pensait.
La voix grave qu'il employa pour lui dire que sa satisfaction à elle lui suffisait la secoua plus qu'elle ne l'aurait imaginé. Elle entendait son contrôle céder petit à petit. Jamais elle n'aurait pensé que ça puisse lui plaire, et pourtant...
Il se laissa aller à approfondir encore plus leur baiser, et Mina tenta d'en rajouter par une acrobatie amoureuse qu'elle rata en beauté. L'habitude lui avait permit d'acquérir un excellent équilibre à dos de Compagnon, mais sur la terre ferme, c'était autre chose, encore plus quand son corps et sa tête bataillait furieusement entre eux.
Qu'à cela ne tienne, elle put compter sur les excellent réflexes du Capitaine, qui ne perdait jamais le nord et en profita pour tout simplement la soulever du sol avec une facilité déconcertante. Mina laissa échapper une exclamation de surprise et découvrit que sans être une demoiselle niaiseuse, on pouvait apprécier que l'homme prenne les choses en main dans une démonstration de force masculine, et surtout, sans avoir peur.
La suite en revanche fut beaucoup moins aisée à vivre et appréhender. Rapidement, tout s'enchaîna, même si elle vécu chaque moment avec intensité et précision. Elle se retrouva perchée sur la table, et Beltran s'installa entre ses jambes. Elle n'eut pas vraiment la présence d'esprit de l'en empêcher mais sa respiration s'accéléra, et il était impossible qu'il n'en ai pas conscience. Elle n'en revenait pas de l'avoir laissé lui écarter les cuisses. Puis son souffle devint erratique quand il fit passer sa main sous sa jupe et caressa sa jambe, remontant dangereusement, petit à petit. Elle en ouvrit grand les yeux, paniquée. Dans son crâne et sous sa peau, un combat faisait rage.
Son cerveau lui hurlait purement et simplement de cramer le Capitaine pour l'écarter de son chemin. Puis de partir en courant éclater en sanglot pour se calmer, évacuer l'angoisse, la peur, les souvenirs désagréables.
Son corps par contre... Là où les doigts de Beltran passaient, sa peau s'enflammait. Mais le plus gros de la chaleur résidait dans son bas-ventre et ses hanches. Et une vague d'anticipation la parcourait toute entière, poussant son corps à en réclamer plus, plus loin, plus fort. Un léger, très léger mais audible gémissement s'échappa de ses lèvres. Elle dut s'empêcher avec violence de se coller plus à lui, pour satisfaire le désir destructeur qu'il faisait naître en elle.
Quant à son don, jamais Mina ne s'était sentit aussi près de perdre le contrôle depuis son retour de mission. Les flammes crépitaient sous sa peau, et Beltran devait sûrement se rendre compte que sa température corporelle était plus élevée que la normale. Si elle se laissait aller, elle allait incendier les appartements du Capitaine, c'était évident!
Le résultat fut que son corps était tendu d'appréhension. Elle eut un spasme qui fit remuer la jambe qu'il lui caressait un peu brusquement, malgré elle.
Il s'écarta pour tenter de la rassurer, avec des mots doux, respectueux, amoureux. Face à ça, elle s'en voulait tellement d'être si difficile! Il réussissait même à être poétique, et elle, elle était... elle était terrorisée.
Elle posa sa main sur la sienne, à travers sa jupe, pour stopper son ascension. Prendre le temps de respirer, mais sans cesser de le regarder. Et comment se calmer quand elle voyait justement dans les prunelles de Beltran à quoi point il avait envie d'elle! C'était presque de la torture de se sentir si désirée, de le désirer tout autant, et d'être bloquée par son corps qui se consumait de l'envie de lui, et l'envie de fuir.
Elle savait, il n'avait même pas besoin de lui dire, qu'il ne la forcerai pas, jamais. Elle savait que si elle disait non, il arrêterai tout de suite ses caresses. Mais elle savait aussi qu'il en souffrirait. Et pas seulement pour une histoire de sexe, mais aussi de confiance. Il se demanderait, à raison, si les efforts qu'il faisait le mènerait un jour quelque part avec elle, c'est vrai, pourquoi essayerait-il de construire une histoire sérieuse avec une femme qui, à défaut d'avoir confiance en elle, n'en avait pas en lui?
Dieux qu'elle avait envie de le laisser lui donner du plaisir, et de le lui en donner en retour! Pourquoi n'était-ce pas suffisant?
"Parce que c'est à toi de décider que ça devienne suffisant!" se morigéna-t-elle.
Elle essaya de trouver la force de se convainre autrement, et elle repensa aux conseils de Thalyana, parce que c'était finalement la seule avec qui elle avait parlé précisément de sexe. Songer à leur rencontre lui donna une idée, une idée totalement saugrenue, même si évidente, et elle n'eut pas le temps de la formuler qu'elle la proposa.
"Beltran je... tu... Je sais pas si tu... mhh... Écoute, je suis venu ici directement après m'être entraînée et je... j'ai besoin de relaxer mes muscles, prendre un bain et..."
Là, Mina se retrouva momentanément muette, s'emmêlant dans son explication sans queue ni tête où elle disait à Beltran, en gros, qu'elle était sale, charmant... Elle se mordit la lèvre inférieure, embarrassée, secoua la tête et s’éclaircit la gorge:
"Je me dis que l'eau est une bonne idée à cause de... et bien bon tu vois, mes flammes comme tu dis et... si tu n'as pas peur de... de... finir ébouillanté, peut-être que tu voudrais bien me... me rejoindre?"
Si on mettait bout à bout ses propositions maladroites, Irmingarde proposait à Beltran de partager un bain avec elle, et advienne que pourra. Thalyana lui avait demandé de prendre un bain, de s'examiner, se découvrir. Elle en déléguait la tâche à Beltran.
Elle relâcha sa main sur sa cuisse, pris appui sur ses paumes pour se rapprocher légèrement de lui, mais les yeux baissés.