Un peu pour se moquer, mais surtout pour se décharger de la pression qu'elle avait sur les épaules à l'idée d'affronter à l'épée le Capitaine de la Garde Royale, Mina rit tout bas quand elle vit Beltran vaciller sur ses pieds.
Il semblait déjà presque... timide avec elle dans le Collegium des Hérauts, il était certain que son honneur aurait du mal à s'en remettre si il se cassait la figure en plein milieu du couloir.
Bien sûr, Irmingarde n'aurait jamais pensé que Beltran fut capable d'un vol quelconque, mais la question avait été posée à dessin, afin de prêcher le faux pour savoir le vrai. Mais il parut réellement vexé que la jeune femme ait pu le penser réellement. Normal, c'était un homme d'honneur, elle comprenait parfaitement.
Cela dit, le but de sa question fut atteint, elle appris la vérité.
Elle mit plusieurs minutes de marche, enfin dehors, pour vraiment réaliser la portée de ce qu'il avait dit.
Un cadeau!
Beltran avait prit manifestement le temps de l'étudier, elle, pour réfléchir à l'épée qui lui conviendrai parfaitement, tant au niveau du poids, que de l'équilibre, la maniabilité. Il était allé voir un forgeron pour lui expliquer en détail ce qu'il souhait, il avait pris du temps pour elle.
L'idée même la clouait presque d'étonnement. Parce qu'on ne lui avait jamais fait de cadeau.
Pour marquer ses anniversaires, dans les Holds, comme toutes les femmes, elle avait le droit à un laius sur les responsabilités du sexe faible.
Les seuls cadeaux qu'elle avait eu dataient de son arrivée à Haven, et c'était bref. Le jour du marché de la St Jean, Dame Riannon lui avait donné une pièce pour s'offrir un beau tissus et Saskia avait prit le temps de lui confectionner une robe.
C'était tout.
Arrivée devant le terrain d'entraînement, Mina s'arrêta vraiment, pour admirer la pièce qu'elle avait dans les mains.
La robe, si elle avait économisé ses gages de chef des pages ou son argent de poche de grise, elle aurait pu se l'offrir. Mais une telle épée, jamais!
La jeune femme n'y connaissait rien en arme, mais elle en avait vu quelques unes, et celle qu'elle avait dans la main, il était clair qu'elle était d'excellente facture, et qu'elle avait du coûter très cher.
L'idée qu'on puisse dépenser autant pour elle la remplissait à la fois d'embarras et de joie.
Elle soupesa l'arme avec délectation. Jamais elle n'avait pensé prendre plaisir à manier un tel objet si dangereux, mais l'épée était vraiment faite pour elle, légère, maniable (enfin, en théorie, en pratique ce serait bien autre chose), parfaitement adapté.
Elle passa un doigt, très légèrement, sur la lame pour en éprouver le tranchant.
La gorge serrée, elle regarde Beltran dans les yeux et lui dit:
"Je la garderai jusqu'à la fin..."
L'expression était dure, mais juste. On ne parlait pas de vieillesse dans le corps des Hérauts. Parce que souvent, la vie était courte au service de son royaume. Tout comme accepter de tuer, accepter d'être tué était une réalité à prendre en compte.
"Mais tu es fou de m'offrir une telle chose. Jamais, jamais on ne m'a fait un tel présent, ça a du te coûter beaucoup trop d'argent, je ne le mérite pas... "
Elle tendit la main vers son avant bras et l'effleura:
"Merci Beltran."
Puis la jeune femme se tourna vers le terrain entraînement et essaya de se donner un peu de courage pour dire au Capitaine:
"Alors allons-y, fait moi tomber dans la boue, donne moi des bleus, ce genre de chose non?!"
Elle aperçut Ezarell de l'autre côté de la barrière et courut vers elle pour enfouir son visage dans sa crinière et y respirer son odeur, un peu de motivation supplémentaire.
Puis elle rejoint Beltran et se permit de lui faire remarquer:
"C'est pas pour essayer de me défiler mais... en général, dans les combats, les guerres, on ne met pas les Boutefeu à l'abri, derrière les premières lignes, parce qu'ils sont trop... précieux?"
Elle ponctua sa question d'un sourire innocent. Elle ne s'imaginait pas précieuse évidemment. Mais sa question était logique. Elle n'aurait absolument pas besoin des mêmes connaissances qu'un autre Héraut en ligne directe.
Reculant de quelque pas, elle se plaça, un pied en avant, l'épée levée devant elle et appela:
"Allez, en garde Capitaine!"
La cadeau l'avait mit d'humeur joueuse, et elle voulait en profiter le peu de temps que ça durerait avant qu'elle ne crie au secours. Elle avait encore besoin de défouler la peur qu'elle avait de cet entraînement en faisant la brave, même si là, ça frisait l'inconscience de provoquer Beltran.
La position qu'elle avait adoptée était ridicule.
Irmingarde était debout, au milieu du terrain d'entrainement, tenant son épée comme on tient une cuillère de cuisine.
Vraiment ridicule.