Auteur Sujet: [Saskia/Aranel] Visite secrète  (Lu 17066 fois)

Héraut Aranel

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Re: [Saskia/Aranel] Visite secrète
« Réponse #30 le: 22 décembre 2009, 00:32:29 »
Les deux Hérauts ne semblaient pas plus affectées que ça par le flux d'énergie qui se déversait inlassablement. En vérité elles faisaient partie du Réseau depuis assez longtemps pour connaître la sensation d'être liées et laissaient les énergies circuler à leur guise, remontant leurs barrières lorsqu'elles risquaient de perturber le flux ou y participant lorsqu'il leur en était possible.

C'est dans une poche gluante qu'un petit être émergea au jour, immaculé à travers son cocon placentaire. Il hennit doucement et Maria le libéra avant de le tendre à Aranel qui se mit à le frictionner. Le Héraut sage-femme devait attendre encore la délivrance totale : le rejet du placenta et surveiller une quelconque hémorragie. La pauvre Antea avait perdu beaucoup de sang. Beaucoup trop.
Lorsqu'elle avait du pousser, une dernière fois, pour expulser son petit, elle avait prit sur ses dernières ressources. Son corps s'était arqué, une dernière fois, et ses yeux s'étaient écarquillés.
Puis l'énergie des Compagnons mourut et la tête de la nouvelle maman retomba lourdement entre les bras de Saskia.

[Saskia, tu as l'impression que tes oreilles bourdonnent mais la sensation désagréable s'est arrêtée. Mais tu sens bien que quelque chose ne va pas. Antea est toute molle]

Antea ouvrit les yeux, lentement, pour croiser le regard de Saskia, un regard intense et lucide dans lequel la douleur n'était plus.

Occupe-toi... De mon petit. Promet-le moi.

Cette voix faiblarde, seule Saskia avait pu l'entendre. Juste avant que le Compagnon ne s'effondre pour ne plus jamais se relever.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Héraut Saskia

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Re: [Saskia/Aranel] Visite secrète
« Réponse #31 le: 22 décembre 2009, 00:51:49 »
Saskia accueillit la tête de Antea dans ses bras. Peu lui importait la douleur dans sa tête, qui s'affaiblissait. Seule comptait le Compagnon. Elle croisa son regard et lui sourit. Elle aurait voulu lui dire : "Ca y est, c'est fini !" mais fut interrompue par les paroles dans sa tête. Elle n'eut même pas le temps de répondre. Saskia s'effondra en même temps qu'elle. Elle caressa l'encolure d'Antea et la remua légèrement.

- Antea ?

Aucune réaction. Elle la secoua un peu plus fort. C'était stupide. Elle le savait. Antea devait être épuisée, Saskia devait la laisser se reposer. Mais ces derniers mots, elle était sûre qu'ils venaient du Compagnon dans ses bras.

- Antea ! Réveillez-vous. Regardez-le. Il est là. Votre poulain. Antea.

La jeune fille était confrontée pour la première fois à la mort. On aurait dit une véritable gamine, et qu'elle ne comprenait pas ce qui se passait. Seule comptait Antea, dans ses bras. Elle la secoua davantage, et finit par ne plus entendre sa propre voix. Elle ne voyait plus rien non plus. Saskia crut un instant que c'était la douleur dans sa tête qui était revenue. En réalité, elle pleurait à chaudes larmes, et les mots qu'elle essayait de prononcer n'étaient que des hoquets. La noble demoiselle n'arrivait même plus à se contrôler. Elle finit par enfouir sa tête dans la crinière du Compagnon.

La première fois qu'elle devait faire face à la mort, c'était pour assister à celle d'un Compagnon, l'image même de la perfection que la jeune fille se faisait. C'était un choc terrible. Elle aurait aimé haïr quelqu'un pour lui infliger une telle douleur. Mais qui ? Maria pour avoir fait son travail ? Aranel pour l'avoir entraînée ici ? Où les Compagnons pour avoir soutenu Antea ? Saskia cria sa frustration : et elle ? Qu'avait-elle fait ? Rien ! Et la douleur lui broyait le cœur. Alors elle hurla parmi ses sanglots :

- Je te le promets ! Tu entends ! J'ai promis ! Quoi qu'il arrive !

Il lui fallu encore quelques minutes pour se calmer, et se convaincre de se redresser. Saskia n'avait jamais pleuré - les DeFeriel ne pleurent jamais, c'est pour les faibles, les larmes - du moins jusqu'à ce jour. Elle avait triste mine, et le peu de maquillage qui avait subsisté après sa première crise de larmes, quelques heures plus tôt, coulait à présent sur ses joues. Ses yeux bleus étaient rouges et son nez coulait. Dieux ! Lorsqu'elle revit Antea, allongée là, à ses genoux, elle était prête à refondre en larmes. Mais elle serra les dents, et Saskia releva la tête, pour fixer Aranel et le poulain qu'elle tenait. Elle marcha à quatre pattes pour les rejoindre, et tendit les bras pour prendre le poulain contre elle. Elle lui caressa l'encolure et le dos, puis se leva.

- Allez viens, bonhomme. Ce n'est pas un endroit pour toi. Faudrait pas que tu tombes malade, non plus. Et puis, tu dois avoir faim. Suis-moi.

Sa voix était encore un peu éraillée, mais elle lui sourit malgré tout. Saskia fit quelques pas et regarda Aranel dans les yeux :

- Antea... (Elle dut se racler la gorge pour chasser les sanglots qui voulaient à nouveau sortir) m'a fait promettre de m'occuper de son petit. Je vais aller le... nourrir.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Héraut Aranel

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Re: [Saskia/Aranel] Visite secrète
« Réponse #32 le: 22 décembre 2009, 01:02:08 »
Aranel arrêta Saskia d'une main sur l'épaule et lui adressa un regard direct, compatissant mais ferme. Un instant on aurait pu croire qu'elle allait lui faire des remontrances, lui faire la morale ou lui apporter une explication bien huilée. Il n'en fut rien. Aranel ouvrit simplement les bras et attendit que Saskia accepte de s'y enfouir, là, dans le secret de la stalle d'un Compagnon défunt, là où personne n'avait assisté à la mort d'Antea... et avec elle de la Grande Peste de Feriel. Saskia pouvait bien repousser Aranel, à présent cette dernière ne se laissait plus démonter par les grands airs de la noble -si tant est qu'elle se soit jamais laissé démontée!. Aranel s'était assez battue pour gagner sa confiance et elle espérait bien que Saskia la laisserait faire une fois encore. Elle n'avait pas l'intention de remettre sa parole en doute. Elle n'avait pas entendue la voix d'Antea, mais Gaetan et tous les autres Compagnons oui. Et il lui avait immédiatement transmis le message. Mais on ne s'occupait pas d'un petit de Compagnon comme d'un simple poulain et celui-ci n'avait que quelques minutes. Aranel devait lui expliquer, et elles devaient pleurer ensemble avant de continuer le chemin.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Héraut Saskia

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Re: [Saskia/Aranel] Visite secrète
« Réponse #33 le: 22 décembre 2009, 01:22:29 »
Saskia aurait du se reprendre. Sortir, la tête haute, du pavillon où régnait cette atmosphère lourde à cause de la maladie qui étreignait les Compagnons présents, et la mort récente. Mais les bras ouverts de Aranel l'attiraient tout aussi fortement. Bien malgré elle, de nouvelles larmes barbouillèrent ses joues, et la jeune fille était bien trop épuisée, physiquement et mentalement, pour lutter. Et tant pis pour le Héraut Maria qui assistait à la déchéance de la Grande Peste ! Saskia alla se pendre au cou de Aranel, le visage contre sa poitrine.

- Aranel, j'ai échoué ! Je lui ai menti, je l'ai abandonnée, je n'ai rien pu faire !

En cet instant, Saskia aurait voulu mourir. Dieux, que son cœur la faisait souffrir ! La pauvre enfant était complètement perdue, submergée par un flots de sentiments qu'elle avait toujours refoulés, et elle s'accrochait à Aranel comme si sa vie en dépendait. Et pire que tout, elle avait l'impression d'avoir trahi Antea.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Héraut Aranel

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Re: [Saskia/Aranel] Visite secrète
« Réponse #34 le: 22 décembre 2009, 01:40:50 »
Aranel la berça avec toute la tendresse dont elle était capable, doucement, tendrement. Elle ne la lâcha pas, le menton enfouis dans ses cheveux et les yeux clos. Ses bras l'entouraient et la soutenait. Elle diffusa doucement quelques ondes d'apaisement pour la calmer un peu.

"Non voyons, tu ne l'as pas trahie. Personne ne pouvait rien pour elle. Tu as été là pour elle, tu l'as soutenue du mieux que tu as pu et elle le savait. Tu crois vraiment qu'elle t'aurait confié son petit si elle avait pensé que tu l'avais trahie et que tu n'étais pas digne de confiance?"

Elle se laissa glisser lentement le long de la paroi de bois, entrainant Saskia avec elle pour finir par terre, la jeune fille tout contre elle, dans ses bras, dans un geste très maternel.

Le Héraut Maria n'avait pas essayé d'intervenir. Le petit était faible et il risquait l'hypothermie. Tous les poulains venaient se coller contre leur maman après leur naissance. De plus, il lui fallait le collostrum, le premier lait, pour pouvoir s'en sortir. C'était un très beau petit mâle, tout blanc, aux longues jambes et à la croupe rebondie. Ses grands yeux d'azur étaient pourtant étrangement inexpressifs et il n'avait pas encore fait entendre sa Voix. Même si les petits Compagnons n'étaient pas en état de communiquer comme leurs pairs adultes, ils restaient d'une intelligence hors du commun, même juvéniles. Celui-là n'avait pas le comportement d'un petit normal. Il était éteint, étrangement... normal.
Maria profita qu'Aranel tenait Saskia dans ses bras et qu'elles ne la regardaient pas pour prélever le précieux lait des mamelles d'Antea. Il devait boire ce lait-là. Et le plus vite possible. Elle fabriqua un biberon rudimentaire mais ne le donna pas au bébé : c'était à Saskia que ce privilège revenait. Elle se contenta de le frictionner pour le sécher totalement puis le plaça sous une lampe magique qui le tiendrait au chaud.

Un petit hennissement tira Aranel de sa torpeur. Elle desserra les bras autour de Saskia et lui sourit, lui essuyant les joues des mains. Puis elle déglutit et acquiesça une fois de la tête.

"On ne s'habitue jamais à la perte d'êtres exceptionnels, comme Antea. La maladie et cette mise bas difficile ont eu raison de son corps mais pas de son esprit. Elle est partie, mais je suis certaine qu'elle reviendra un jour. A présent, il faut que tu t'occupes de son bébé. Mais lorsque tu l'auras rassasié, il faudra le confier à une mère d'adoption. Une mère à quatre jambes qui le fera courir dans le Champ pour lui muscler les jambes, qui lui apportera du lait adapté à n'importe quel moment de la journée, et qui se serrera contre lui lorsqu'il aura froid."

La voix de Maria choisit se moment pour s'élever, à peine plus haut qu'un murmure.

"Je connais une jument Shin'a'in qui a perdu son petit il y a trois jours. Elle a du lait et c'est une bonne mère. Nous pourrions le conduire là-bas dès demain matin, lorsqu'il ne risquera plus de prendre froid."

Elle marqua une pause et pinça les lèvres, baissant la tête, désolée.

"Les Compagnons disent qu'il ne peut rester avec eux."

Aranel regarda Saskia puis Maria, sans comprendre.

"Mais, pourquoi?"

Maria tendit le petit à Saskia ainsi que le biberon dans un sourire avant de se redresser en croisant les bras.

"Parce qu'il n'est pas des leurs. Ce petit est un poulain ordinaire."
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Héraut Saskia

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Re: [Saskia/Aranel] Visite secrète
« Réponse #35 le: 22 décembre 2009, 22:39:46 »
Saskia refuserait sans doute de le reconnaître plus tard, mais être ainsi blottie dans les bras de Aranel lui faisait un bien fou. La tristesse prenait de plus en plus d'ampleur dans son cœur et dans son esprit, pourtant, elle se sentait à l'abri de tout dans les bras du Héraut. Le hennissement du poulain la fit sursauter à son tour, et la jeune fille se sentit bête lorsque ce fut Aranel qui lui essuya les joues. Elle écouta calmement son discours, avec tout la lucidité dont elle était capable, et finit par prendre le biberon pour le donner au poulain. Voir le petit être déjà tout fou arracha un sourire à la gamine perdue.

Saskia aurait aimé garder le poulain avec elle. Tandis qu'il tétait goulument, elle lui caressait la crinière et la démêlait grossièrement de ses longs doigts fins. Elle se chercha une excuse vaine : quel effet cela ferait, de voir du jour au lendemain, la Peste DeFeriel avec un jeune Compagnon dans les écuries du Manoir ? Une jument, Shin'a'in de surcroît, était la meilleure option. Elle lui caressa le cou, et tandis qu'il finit son biberon, Saskia déposa un baiser sur son front. La jeune fille, toujours dans un état second, leva la tête vers les deux Hérauts. La surprise était imprimée sur son visage, malgré le manque total d'expression de ses yeux bleus.

- Mais ce ne peut pas être un "simple" poulain... Sa mère é... tait un compagnon. Il est blanc, et ses sabots sont argentés...

Oh, et puis, à quoi bon lutter ? Saskia n'en avait pas la force. Elle haussa les épaules et ajouta d'un vois légèrement absente :

- Mais vous devez savoir ce que vous dites...

Dieux, elle avait besoin d'une bonne nuit de sommeil. Mais arriverait-elle seulement à dormir ? Les larmes étaient fortement interdites dans l'enceinte du Manoir DeFeriel, et l'image d'Antea, toujours à ses pieds, n'étaient pas prête à s'effacer de son esprit. Saskia, le dos vouté, se leva, et caressa distraitement le poulain. Elle sortit de la terrible stalle, fit quelques pas, les yeux fermés. Après quelques secondes douloureuses, Saskia finit par carrer les épaules, se redressa, et après avoir inspiré un grand coup, elle redevint à peu prêt maîtresse d'elle-même. Elle fit volte face et regarda tour à tour les deux femmes :

- Très bien. Lowi sera élevé par la jument shin'a'in. Aranel, puis-je vous demander une faveur ? J'aimerai que le Doyen envoie la Grande Peste s'occuper des écuries quand elle aura fini avec la Bibliothèque. Comme ça, je pourrais voir et m'occuper de Lowi chaque jour. Je sais que, compte tenu des circonstances, c'est ridicule de vouloir conserver mon image. Mais j'ai besoin d'avoir des repères stables, au moins pour un temps.

Lowi. Ce nom lui était venu tout seul. Elle sourit, et son cœur fit un bond dans sa poitrine. Le poulain avait le regard rivé dans le sien. Saskia tendit la main :

- Lowi ?

Et le poulain vint loger son museau dans la main tendue, à la recherche sans doute de quelque chose à manger. Elle s'agenouilla pour être à sa hauteur et l'entoura de ses bras. Les sentiments qu'elle éprouvait pour le petit être dans ses bras étaient bien plus forts que pour n'importe quel orphelins. Car Saskia était persuadée que c'était un Compagnon, malgré les paroles de Maria. Et elle en avait la charge.

- Je t'aime, mon Lowi. Et je veillerai toujours sur toi. Promis.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »